Le 10 novembre 2022 avait lieu la présentation par ma camarade Isabelle Fardoux-Jouve du rapport annuel sur la situation en matière d’égalité entre les Femmes et les Hommes au Conseil Départemental du Gard. J’ai pris la parole à cette occasion au nom du groupe communiste au Conseil Départemental.
Ma déclaration rédigée :
Madame la Présidente,
Cher.e.s Collègues,
Merci, Madame la Présidente, de consacrer pour la 7ème année consécutive, une session réservée à ce rapport sur l’égalité femmes-Hommes dans notre collectivité.
Pour nous, groupe communiste, pour la majorité de gauche dont nous sommes partie prenante, cette session s’inscrit dans le combat à mener pour la progression et l’extension des droits de tous les humains. Et dans ce combat pour les droits humains, nous situons comme essentiel, comme primordial, celui pour les droits des femmes, et l’égalité entre les sexes. C’est un combat d’avenir, un combat de société. Cette exigence anthropologique a fait irruption dans nos sociétés ces derniers mois jusqu’à forger une prise de conscience nouvelle : elle constitue, par son ampleur et son caractère international, un évènement historique.
Je pense au mouvement de libération de la parole des femmes à propos des violences sexuelles subies, je pense au mouvement des femmes iraniennes, qui avec un incommensurable courage, fait vaciller le pouvoir théocratique et fondamentaliste qui sévit dans ce pays. Ces mouvements ont permis de briser l’isolement des femmes, de développer un véritable sentiment de solidarité, de forger une prise de conscience nouvelle.
Ces mouvements doivent être entendus à la hauteur de l’espoir qu’ils ont fait naître. Ce qui a été mis à l’ordre du jour est la construction d’une société non violente pour les femmes, les enfants et bien sûr les hommes ; il n’est désormais au pouvoir de personne d’enterrer cette exigence. Cela implique un véritable changement d’échelle dans la nature des mesures qui doivent être décidées. Soyons précis, cela signifie, entre autres : une véritable prise en compte de cette problématique de manière obligatoire, de la maternelle à l’Université ; de véritables campagnes de sensibilisation dans l’ensemble de l’espace public, dans les médias, par l’affichage ; le développement de la formation des professionnels, femmes et hommes ;
Des moyens nouveaux affectés aux associations et aux services publics (police et gendarmerie, justice, santé). A cet effet, nous continuons à porter l’exigence qu’un milliard d’euros soit dédié à cette grande cause nationale !
Mais il nous faut pousser la réflexion. Comment ne pas comprendre qu’en dénonçant les violences, les femmes ne visent pas seulement des agressions, mais qu’elles interrogent la question du pouvoir ? Le problème de la prise en compte de leur parole est une question politique majeure. Car les violences faites aux femmes, les coups, l’inceste, les mutilations, le harcèlement sexuel, le viol, la prostitution, les violences conjugales, jusqu’au meurtre, sont l’expression et l’outil, sous différentes formes abominables, de la domination masculine.
Contrairement aux idées reçues, la domination masculine, comme l’a montré l’Anthropologue Françoise Héritier, ne prend pas sa racine dans une différence de nature entre les femmes et les hommes, mais dans la volonté des hommes de contrôler leur descendance, ce qui est à l’origine de l’appropriation du corps des femmes par les hommes et de la violence.
De là découle toutes les discriminations, politiques, économiques et sociales, propres au patriarcat. Il s’agit donc d’une construction sociale et, par définition, ce que les humains ont construit, ils peuvent le déconstruire. Je cite cette chercheuse et militante féministe : « Nous ne vivons pas la guerre des sexes mais le fait que les deux sexes sont victimes d’un système de représentations vieux de plusieurs millénaires. Il est donc important que les deux sexes travaillent ensemble à changer ce système, l’oppression et la dévalorisation du féminin n’étant pas nécessairement à long terme un gain pour le masculin et pour l’humanité. »
Oui, le combat féministe doit se poursuivre !
La conquête par les femmes de nouveaux droits qui ont révolutionné leur vie a marqué le 20e siècle. L’entrée massive des femmes dans le salariat leur a permis de gagner leur autonomie financière : entre la fin des années 1960 jusqu’au début des années 1990, les femmes salariées sont passées de 6,5 millions à 13 millions. D’invisible, leur travail est devenu visible.
À la même période, les femmes ont acquis par de grandes luttes, la maîtrise de leur fécondité avec le droit à la contraception en 1967 et le droit à l’IVG en 1975. Au début du 21ème siècle, de nombreuses femmes ont accédé aux responsabilités électives avec les lois sur la parité. Ainsi, en trois générations, la représentation de ce qu’être un homme ou une femme a considérablement bougé.
Pourtant, l’égalité salariale n’est toujours pas atteinte. Comme l’a révélé vendredi dernier un quotidien dont je ne saurais trop vous conseiller la lecture assidue, « l’humanité », depuis le 4 novembre et jusqu’à la fin de l’année, les femmes travaillent gratuitement ! Les femmes gagnent encore 18% de moins que les hommes. Chaque fois qu’une profession se féminise, elle se dévalorise. La mixité des métiers n’est toujours pas réelle. L’orientation professionnelle cantonne encore trop souvent les femmes dans des métiers liées à leur rôle traditionnel dans la famille : aide à la personne, métiers du soin… Le temps partiel concerne pour 80% les femmes et il représente 30% des femmes salariées contre 8% des hommes.
Actuellement, 60% des entreprises n’ont ni accord ni plan d’action en matière d’égalité professionnelle. La France demeure au 129e rang mondial sur 144 pays en matière d’égalité professionnelle selon un rapport récent du Forum économique mondial. On le voit bien : c’est la volonté politique qui manque jusqu’à présent. L’égalité professionnelle reste à conquérir.
Au-delà, l’égalité entre les femmes et les hommes est porteuse de valeurs universelles, et nous devons nous sentir solidaires des femmes du monde entier. Ainsi, sur la planète, le droit à l’avortement est encore loin d’être acquis partout. L’OMS estime que près de 22 millions de femmes sont contraintes chaque année de procéder à un avortement non encadré médicalement, et ce droit est constamment menacé, y compris dans des pays membres de l’Union européenne.
Affirmons ensemble que le droit à l’IVG doit devenir un droit non négociable dans l’Union européenne, et qu’il doit être inscrit dans la constitution de notre pays.
Oui, le combat féministe doit se poursuivre, et cette session du conseil départemental nous aide à en porter l’exigence. Le rapport très politique présenté ce jour par notre collègue Isabelle Fardoux-Jouve nous montre à la fois une situation encore inacceptable d’inégalité, mais aussi les progrès que nous avons et continuerons à réaliser en affrontant cette question, en menant des politiques ambitieuses, qu’elles soient concrètes dans le cadre de nos missions ou qu’elles passent par des actions de sensibilisation, qu’elles se tournent en direction des publics que nous accompagnons ou en direction des agents de notre collectivité. Permettez-moi ici de rappeler pour ne parler que de ma délégation, que la question de l’égalité F/H dans le sport est au cœur de nos préoccupations et pour ne citer qu’un chiffre que nous avons augmenté, les aides aux clubs sportifs féminins de haut niveau de 67% cette année.
Cette session nous invite à être vigilant, car le maintien d’inégalités, de discriminations, la persistance de discours rétrogrades peuvent se nicher dans la moindre des décisions, y compris dans nos collectivités territoriales.
Ils peuvent se cacher derrière des arguties techniques, qui permettent de fuir ses responsabilités politiques. Malgré les difficultés et les insuffisances, je crois que nous assumons ces responsabilités.
Madame la Présidente, en vous remerciant à nouveau pour cette session, je conclurai en rappelant que l’égalité entre les femmes et les hommes signifie le droit absolu pour les femmes de disposer de leur corps, la liberté de travailler, de circuler dans l’espace public, de s’habiller comme elles le souhaitent. Aujourd’hui encore la devise républicaine, liberté, égalité, fraternité n’est qu’une promesse. Pourtant, et c’est le sens du mot fraternité qui n’exclue nullement les « sœurs » nous sommes « toutes et tous membres de la même famille humaine ». Il appartient donc aux femmes et aux hommes d’aujourd’hui, sur toute la planète, de lui donner son sens et sa réalité en conquérant l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est-à-dire la pleine maîtrise par les femmes de leur vie dans tous ses aspects, sexuel, social, politique. Ce pas essentiel vers l’émancipation humaine peut et doit être franchi à notre époque.