Interview Midi Libre Adrien Boudet – jeudi 19 janvier 2023
Dans vos voeux, vous avez cité une récente étude de l’Insee qui place Nîmes parmi les 10 villes les plus « ségréguées » de France. Qu’est-ce que cela signifie ?
C’est avant tout la question de la mixité sociale, permettant de faire société dans la ville, qui est en jeu. Nîmes fait partie des dix villes de France où la séparation riches/pauvres est la plus forte. C’est le signal d’une ville qui ne va pas « ensemble ». Traditionnellement, il y a toujours eu de grands quartiers populaires, périphériques ou centraux, et des quartiers bourgeois. Mais la part des logements sociaux dans la ville est passée sous la barre des 25 %. Beaucoup de gens ont désormais des difficultés à se loger et finissent par quitter la ville, alors que de l’autre côté, il y a des programmes immobiliers de standing qui se développent.
Craignez-vous une gentrification de certaines zones ?
Je pense qu’on essaie de faire partir des catégories de la ville, même si ce n’est pas dit. Il y a en effet, par exemple, un risque de gentrification du quartier de la Placette, avec à proximité des hôtels de luxe, le palais des congrès. En vérité, ça ne réduit pas le problème de la pauvreté, ça chasse les pauvres…
Il y a tout de même des programmes importants de réhabilitation de certains quartiers prioritaires…
Oui bien sûr ! Mais on tarde à avoir des résultats. Après il y a aussi des opérations très mineures habitat/logement sur Richelieu… Être une ville populaire, ce n’est pas un gros mot, ce n’est pas honteux.
Vous insistez aussi sur le prix des transferts. Vous souhaitez aller vers la gratuité ?
Oui, on pense à ça depuis la dernière campagne… L’objectif, c’est bien de baisser la circulation automobile. Il faut convaincre qu’utiliser le transport en commun, c’est pratique. Mais il faut aussi se poser la question de la fréquence des lignes de transport, de l’étendue des plages horaires, etc.
En terme d’environnement, vous avez insisté dans vos voeux sur la nécessité de « renaturer », végétaliser l’espace urbain. On part de loin ?
Oui ! De très loin ! Avec des logiciels très anciens de l’équipe municipale. L’un des grands risques aujourd’hui, c’est que la ville devienne invivable à cause de la chaleur. La forêt des enfants à Courbessac, c’est bien, mais rafraîchir un aérodrome ça n’a aucune espèce d’utilité ! Et à côté, on n’arrête pas de densifier le centre-ville, les petites maisons avec jardin sont rachetées par des promoteurs immobiliers pour faire des programmes…
Parlons culture : que révèle selon vous la polémique du délabrement du conservatoire ?
Aujourd’hui, cette situation n’est plus possible. On ne peut plus dire qu’elle n’existe pas. Au-delà, on peut s’interroger. Est-ce que la destination des Carmes est adaptée pour le futur conservatoire qui a chuté de 1200 à 1000 élèves, si on veut à nouveau le développer ? Est-ce que ce n’est pas trop contraint ? Le conservatoire, c’est comme l’école des beaux arts, qui est délaissée. Ou l’Hôtel Séguier : que va-t-il devenir ?On n’entretient pas notre patrimoine culturel et, à côté, on est sur une logique d’événementiel qu’on délègue à des sociétés privées : salon de la biographie, Journées romaines…
On imagine que vous serez dans le cortège contre la réforme des retraites ce jeudi. Un moment important pour la gauche ?
Il y a une réforme technique et, au-delà, il y a un choix de société sur ce qui est le travail prescrit et le travail choisi. Et puis ce que l’on souhaite, c’est reposer la question du partage des richesses. On voit, dans les rapports d’Oxfam, que les inégalités continuent de se creuser. Il nous faut prendre l’offensive pour dire qu’on peut faire autrement, un peu comme au niveau local. Après 20 ans de mandature Fournier, la première difficulté à passer, c’est de dire qu’il n’y a pas de fatalité, qu’on peut faire différemment.