7 janvier – Toujours debouts !

Cela fait partie des moments pour lesquels on se souvient exactement où on était, ce qu’on faisait. C’était un mercredi matin et j’étais chez moi quand l’information est tombée. Stupeur devant la violence de l’évènement, effroi de voir défiler les bandeaux annonçant la mort de journalistes et dessinateurs si familiers. Tous en même temps. Tous, ou presque, ceux de Charlie sauvagement assassinés de sang-froid, comme les malheureuses victimes qui les ont accompagnés durant cette terrible matinée.

J’avais pris la direction de la fédération du Gard du PCF quelques mois plus tôt. Rapidement, nous avons convenu qu’il fallait appeler au rassemblement, pour réagir, pour se retrouver. Nous avons finalement rejoint l’appel du club de la presse et nous ne sommes retrouvés sur le parvis des Arènes. Et puis les jours qui ont suivi ont été passés à organiser la grande marche républicaine du dimanche 11 janvier, pour laquelle j’avais représenté le PCF dans une réunion d’organisation en préfecture. Le PCF s’est alors chargé de faire imprimer la banderole de tête « Nous sommes Charlie », derrière laquelle près de 40000 Nîmois ont défilé, les jeunes en première ligne. Nous avions demandé que les responsables politiques se fondent dans la foule. Ce moment-là a été un fort moment de dignité et d’unité. Nous voulions exprimer notre émotion, et dire que nous restions debout face à ces actes de terreur en continuant à défendre toutes les libertés, à commencer par les libertés de conscience et d’expression permises par la laïcité. Nous ne voulions ni récupération, ni instrumentalisation de ce terrible drame en évitant tous les amalgames. Il faut aussi rappeler que le FN n’avait pas invité à défiler.

Cet élan sorti des entrailles de notre peuple, comme il est encore capable de l’exprimer quand sont mis en danger des valeurs fondamentales, signifiait aussi que les terroristes, la terreur ne pouvaient pas gagner. Ni en nous faisant reculer sur une valeur essentielle, ni en divisant notre pays sur des bases confessionnelles, ni en faisant voler en éclat l’État de droit. Pour autant, nous le savons peut-être encore plus aujourd’hui, l’édifice est fragile. L’exercice des libertés dans un État de droit et plus généralement l’exercice démocratique n’est pas un exercice théorique. Il toujours incarné par des femmes et des hommes, leurs histoires, leurs espoirs, leurs sensibilités. On a le droit de ne pas aimer et on peut même être choqué ou blessé par l’expression de l’autre. On ne peut pas non plus attenter à la dignité de l’autre. L’égale dignité et l’égale condition de tous favorise la compréhension commune et le respect de chacun, permet la liberté d’expression et la liberté de conscience. C’est le sens du principe de laïcité qu’il convient toujours de protéger de toutes les instrumentalisations et des fanatismes.

L’offensive réactionnaire, politique ou religieuse, partout dans le monde, parfois même sous les traits hypocrites des libertariens trumpistes, attaque les droits et les libertés des peuples. Elle est favorisée par de puissants algorithmes ou de nouveaux empires médiatiques. Elle appelle à une riposte unitaire, nourrie de fraternité, de solidarité, d’intelligence, pour combattre toutes les formes de domination et de haine de l’autre, le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie. Cette riposte sera d’autant plus efficace qu’elle s’accompagnera de l’accomplissement, reconnaissons-le aujourd’hui très incomplet de la promesse républicaine d’égalité, comme de la revalorisation de l’école commune terreau du vivre ensemble, de la construction de l’esprit critique, de l’acquisition de connaissances émancipatrices. L’extension continue des droits et libertés, au service du progrès social et humain doit rester un horizon commun.

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